Près de 2000 personnes vivaient sous les tentes du campement du Millénaire.
La plupart d’entre eux étaient issus de l’Afrique de l’Est et de l’Ouest (soudan, érythréen, somalie et tchad).
Ce camp a été évacué le 30 mai 2018 suite à une longue polémique entre Gérard Colomb ministre de l’intérieur et Anne Hidalgo, maire de Paris. L’Etat et la ville de Paris se sont renvoyés la balle sur la multiplication des campements d’exilés au nord de Paris pendant plusieurs semaines, et ce, au détriment de la situation des personnes résidentes sur ces camps.
Je m’appelle Sarah, je suis membre de la ligue des droits de l’homme et d’avocats sans frontières. Je suis intervenue régulièrement sur ce camp pour y apporter mon soutien aux personnes exilés.
Le camp du millénaire a été, sans aucun doute, un camp très difficile. Ceci s’explique notamment par sa localisation géographique : enclavé sous le périphérique au bord du canal saint-denis, il s’est longtemps développé dans le dénuement le plus total et dans des conditions sanitaires d’une extrême précarité (pas de point d’eau, ni de toilettes et de douches).
Nous avons essayé tout le long de ces derniers mois de créer une aide solidaire entres citoyens engagés. Il s’agissait de mettre en relation un maximum de personnes intervenant sur le terrain qui pouvaient à la fois prêtait mains fortes aux exilés mais également se faire l’expression de leur parole avec les autorités publiques. Je suis intervenue, initialement, pour assister juridiquement les exilés dans une langue qu’ils comprennent.
La langue française étant une barrière tant dans leurs démarches juridiques que pour évaluer leurs besoins. Il est très difficile pour la plupart des bénévoles d’expliquer les procédures au-delà d’un tract déjà traduit.
Mon intervention consistait principalement à rediriger les primo-arrivants vers des plateformes d’accueil des demandeurs d’asile, à expliquer la législation nationale, à traduire des récits et renvoyer les cas les plus compliqués vers des permanences juridiques. Mais l’extension du campement (près de 100 arrivants par jours), le manque de bénévoles et de moyens matériels nous a vite rattrapé. Les demandes d’aide / d’assistance dans les démarches administratives et juridiques ont été de plus en plus nombreuses et urgentes.
Ceci s’explique par le fait que la plupart des personnes présentes sur le camp était en procédure Dublin. En 2017 en France, 40% des demandeurs d’asile ont été placé sous cette procédure. Elle est régie par le règlement (UE) n°604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.
L’objet principal de ce règlement est d’établir critères et les mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale (article premier). Les critères de détermination de l’Etat membre responsable sont édictés au chapitre III du Règlement. C’est principalement l’article 13 « entrée et/ou séjour » qui est utilisé pour renvoyer les demandeurs d’asile en procédure Dublin vers le pays responsable de leur demande d’asile.
Il énonce ainsi que « le demandeur qui a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d’un État membre dans lequel il est entré en venant d’un État tiers, cet État membre est responsable de l’examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. »
En pratique, les exilés de l’Afrique de l’Est et de l’Ouest qui passe par la Libye entre irrégulièrement en Italie. Leurs empreintes sont enregistrés dans un fichier : le fichier « Eurodac ». Il permettra aux pays membres de l’UE de déterminer le pays responsable de la demande d’asile.
Le seul tort des personnes dublinées est donc d’être parvenu en France en passant par un autre pays. On parle alors des « dublinés-Italie ». Tout le long de cette procédure, il leur sera interdit de déposer leur demande d’asile en France.
Le projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif présenté le 21 février 2018 en Conseil des ministres, entend fragiliser davantage la situation des exilés.
Il signe la fin des garanties procédurales en multipliant les obstacles pour le dépôt des demandes d’asile, en mettant fin au caractère suspensif des recours devant la Cour nationale du droit d’asile et en accélérant la procédure.
Adopté le 23 avril dernier en première lecture à l’Assemblée nationale, il marque un recul des droits fondamentaux des personnes exilées.
Parce qu’ils ne jugent pas à la hauteur des enjeux migratoires, les sénateurs ont réécrit le projet de loi. Le qualifiant de « contre-projet », ils l’ont adopté le 26 juin dernier.
Le Sénat propose d’accueillir moins et de maitriser enfin les flux migratoires.
Ainsi certains assouplissements tel que la durée de rétention des mineurs accompagnés réduites à 5 jours et la restauration du délai de recours de 30 jours devant la CNDA, les sénateurs ont validé : la réduction du délai de départ volontaire suite à une OQTF de 7 jours (contre 30 initialement) et l’interdiction du territoire en cas d’expulsion de 5 ans (contre 3 initialement).
Le Sénat a également entendu précariser la situation des étrangers en situation irrégulières ou faisant l’objet d’une mesure d’éloignement : dès notification d’une obligatoire de quitter le territoire français ou d’une décision de transfert « Dublin », les aides sociales seront immédiatement supprimées. Toutefois, cette disposition se heurte à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne qui, dans un arrêt Cimade et Gisti du 27 septembre 2012 a jugé qu’un demandeur d’asile placé en procédure Dublin devait bénéficier des conditions minimales d’accueil des demandeurs d’asile jusqu’à son transfert effectif.
L’aide médicale cède sa place à une aide médicale d’urgence au périmètre plus restreint, accordée après acquittement d’un droit annuel, et qui couvrirait prophylaxie et traitements des maladies graves ou des douleurs aigues, les soins liées à la grossesse, les vaccinations réglementaires et les examens de médecine préventive.
Sarah Abdel Salam is a lawyer working with Avocats Sans Frontières (ASF) in Paris. She volunteers in informal camps, advising migrants on their legal rights and is actively campaigning for more humane asylum procedures in France.